Il fut le Kancho du Gojukensha de Tokyo, et maître de référence en Goju-ryu, Naha-te et Shuri-te, élève direct de Higa Yuchoku (1910-1994) qui l'avait nommé Hanshi.
 
            Il avait commencé l’étude du Karaté en 1955 à Tokyo, sous la direction de Ichikawa Sosui (1924-2005), lui-même élève de Izumigawa Kanki (1908-1969), qui avait appris auprès de Higa Seiko (1898-1966) et de Toyama Kanken (1888-1966). Ohtsuka Tadahiko fit en 1967 la connaissance de Yang-Ming-Shi, connu au Japon sous le nom de Yo Meiji (1924-2005) qui lui enseigna la petite forme du Tai-ji-quan, la forme des 24, dite « de Pékin », qu’il a depuis largement diffusée, avec son épouse Ohtsuka Kazuko, au Japon, en Australie et en Europe (Taikyokuken). Il avait également étudié par la suite le Ba-gua et le Xing-yi avec O Ju-kin de Taiwan, qui séjourna plusieurs années au Japon (Wang Shu Chin). Ses constantes recherches historiques à Okinawa (notamment auprès de Tokashiki Iken) et jusque dans la province chinoise du Fujian (où il rencontra à plusieurs reprises en compagnie de son épouse des experts du Chen Taiji-quan comme Zhu Tian Cai, Feng Zhiqiang et Chen Xiai Wang) l’ont amené à faire très largement connaître le texte Bubishi dont l’existence n’avait été jusque-là que très confidentielle et floue. Ohtsuka Tadahiko enseigna également, notamment, les katas Happoren et Rokkishu, qu’il a sauvés de l’oubli, et qu’il m'avait demandé de divulguer en Europe. En décembre 2009, il avait décidé d’arrêter son enseignement au Gojukensha, qui disparut alors en tant que Dojo. Nous fûmes évidemment nombreux alors à nous interroger... Même si nous soupçonnions des raisons de santé, nous n'eûmes aucune explication.
 
            Puis j'ai pu savoir qu'il avait depuis ces derniers mois lutté contre la maladie, qu'il avait fait de nombreux séjours à l'hôpital, jusqu'à devoir rester ces dernières semaines en station de soins intensifs. A ma demande, son épouse m'avait alors autorisé à en faire part aux membres du CRB-IT, ce que j'avais fait à l'ouverture de notre dernier Kan-geiko.
 
            Il s'en donc est allé en cette aube du 27 novembre 2012....
            Une nouvelle à laquelle pouvaient s'attendre un jour ou l'autre ceux qui pensaient bien que ce n'était pas de gaîté de cœur que Sensei avait mis fin à l'existence de son dojo. Mais quand elle finit par arriver, c'est encore autre chose que de l'apprendre.
 
            Dans son dernier mail, daté de septembre 2010, il avait tenté de m'expliquer :
" Comme vous savez, au 22 décembre dernier, j'ai fini la direction de Karate qui a duré 54 ans. Maintenant pour mon corps, c'est impossible de diriger pratiquement 'Ma et Maaï ' (le temps et la distance) des élèves. Mais je pouvais connaître beaucoup de Sensei, beaucoup d'amis. Donc il n'y a pas de remords dans mon cœur. Je vous souhaite du bon santé et bonheur sans limite, ainsi que Madame et tous les membres de Tengu. Et bien sûr, aussi de continuer la direction de Karate. Donnez bien le bonjour à Jacques, Alex, Jean-Claude ... et tous."
 
            Je déteste faire ce que je tente maladroitement de faire ici. D'être une fois de plus confronté aux échéances de la vie. D'écrire quelques pauvres lignes en guise d'adieu et en souvenir. Cela fait tant de fois que j'ai eu à évoquer ceux ou celles qui me furent proches, en Budo comme ailleurs, et refouler l'émotion qui m'étreint devient à chaque fois de plus en plus difficile. Maintenant Ohtsuka Sensei... Le cœur me manque. Je vieillis.
 
            Cet homme avait la gentillesse, la compétence, l'humanité, et un rare sens de l'ouverture (je me souviens de la qualité de son accueil et le soin qu'il avait mis à se mobiliser avec tous ses assistants pour nous enseigner lorsque je vins au Gojukensha en 1982 avec une équipe de ceintures noires du CRB). Il savait aussi ce qu'était l'engagement (on sait peu qu'il avait longtemps été un élu du Chuo-ku, à Tokyo, et que ces fonctions le mobilisaient beaucoup).
 
            Ce fut un honneur, Sensei, mon maître et mon ami, d'avoir un peu cheminé sur la route à côté de vous.... et une grande brisure aujourd'hui. Après Ogura Sensei, voilà que vous aussi... "Karma, neh", diriez-vous sans doute... Je veux bien. Mais tout de même ! Même si les étoiles disparues brillent encore longtemps pour ceux qui savent où les chercher dans le noir.
            Alors, puisqu'il n'est plus possible d'imaginer autre chose, simplement merci pour tout.
Et respect ! Que les Kami vous accueillent, en homme de bien.
 
            Je sais que tous les membres du "Centre de Recherche Budo-Institut Tengu" éprouvent aujourd'hui le même sentiment de tristesse et s'associent de tout cœur aux condoléances que j'ai envoyées en leur nom à Madame Ohtsuka, à sa famille, à ses assistants et à ses Sempaï. 
 
            Que faire de mieux, que de partager ici avec vous ces dernières images d'une figure attachante, qui m'a toujours soutenu dans l'affirmation du Tengu-ryu, qu'il a vu naître. Les images que nous garderons de lui !

Roland Habersetzer