" Légendes des Grands
Maîtres d'Okinawa ", de feu Shoshin Nagamine (1907-1997), qui fut
l'héritier du Shorin Matsubayashi-ryu Karatedo, se lit comme on déguste une
délicatesse gastronomique … en un temps où l'uniformisation en toutes
choses rend les bons plats rares et précieux.
Rien à voir avec son ouvrage sur " L'essence du Karaté d'Okinawa ",
ouvrage technique fort intéressant au demeurant, détaillant les Kata de
l'école, et que tout Karatéka un tant soit peu concerné par les racines de
son art possède déjà.
Non, là, c'est encore autre chose … On y retrouve les hommes de légende
que furent Ankichi Aragaki, Tode Sakugawa, Sokon Matsumura, Gichin Funakoshi,
Kanryo Higaonna, Anko Itosu, Chotoku Kyan, Choki Motobu, …
Surtout, au-delà des anecdotes, certaines connues et d'autres inédites, il y a
le message récurrent, auquel je souscris depuis toujours : à travers
l'humanité de ces vieux maîtres, à travers leur gentillesse proverbiale, leur
volonté de transmettre une non violence qui restera toujours humainement
supérieure à l'affrontement, se profile cette Voie de l'Homme " juste "
qui œuvre pour la véritable intelligence, celle du cœur. Après le livre de
Mabuni Sensei, que j'avais déjà largement salué sur ce site dès sa parution,
voici, un an après, une nouvelle bouffée d'oxygène dans ce monde de plus en
plus flottant, où les ancrages traditionnels lâchent les uns après les
autres, installant une société déstructurée, déboussolée derrière le lent
formatage imposé façon langue de bois et pensée unique, inquiète de toutes
les incivilités du quotidien et, donc, violente … Cercle infernal …
Car certes, le message est là. Et le livre de Nagamine Sensei le rappelle une
fois de plus, des années après sa disparition, comme un testament : celui
des valeurs éternelles et bonnes pour l'homme, qu'il faut transmettre.
Absolument. Quelles que soient les vicissitudes du temps, qui nous font peu à
peu oublier que, même dans la pire des adversités, le comportement " humain "
doit (devrait) rester le même. Pour encore espérer en un avenir. Pour " vivre ",
tout simplement.
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Mais à qui donc faut-il le
dire ? Comment le dire, mieux le dire, pour se faire comprendre enfin ?
Comment se faire entendre dans tout ce bruit autour d'un " Budo
Show " où l'hypocrisie et le mensonge fait le jeu des marchands
du Temple et laisse complètement désemparés les derniers pratiquants
qui espéraient y trouver autre chose ? Pourtant, la Voie existe,
intemporelle, vivante …
Modestement, je ne cesse de le dire, de l'écrire, de l'enseigner à
travers " Tengu-no-michi ". En tentant de proposer, ce
qui nous manque finalement le plus, un " mode d'emploi "
pour un retour à ce comportement de l'homme dans comme hors du Dojo, tel
qu'il a toujours été mis en avant par tous les vrais maîtres du temps
passé. Ce qui est bien au-delà de cette stupide technique, tous styles
confondus, infantilisante, déformante et sclérosante, qui nous fait
prendre des vessies pour des lanternes, tous, autant que nous sommes, tant
que nous n'aurons pas " vraiment " lu ce qui est
pourtant clairement écrit dans des livres comme celui de Shoshin Nagamine …
que toute technique n'a jamais été qu'un moyen pour un principe de vie …
Précipitez vous chez votre libraire : ce livre a de quoi
réconcilier les pratiquants de tous styles, tant l'objectif réel de la
pratique du Karatedo est clairement réaffirmé.
Roland Habersetzer
" Légendes des
Grands Maîtres d'Okinawa ", de Shoshin Nagamine, est paru en
janvier 2005 aux Editions Guy Trédaniel, Paris.
20/02/2205
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