La réussite de ces grands rassemblements des Tengu au
printemps et en hiver (depuis 1964, et sans jamais aucune interruption
dans cette tradition !) autour de Soke Roland Habersetzer tient autant à
sa manière pragmatique d’enseigner les techniques de combat de « la main
vide » qu’à son unique façon d’intégrer ces techniques dans un
comportement réaliste, de terrain. Sans oublier le discours, toujours
Budo, qui va avec (en revenant systématiquement sur le cadre et les
limites des techniques enseignées), illustrant parfaitement et à chaque
fois le « ne pas se battre, ne pas subir » que Sensei avait défini dès
1994 comme la colonne vertébrale de son Tengu-ryu Karatedo © enseigné au
« Centre de Recherche Budo-Institut Tengu ». Ce week-end de Pentecôte
2016 ne dérogea pas à la Tradition, et le programme de ce 52e stage de
printemps fut serré cette année encore (ce qui ne surprit à vrai dire
personne), avec la consolidation des acquis à quoi viennent s’ajouter
comme à chaque fois de nouvelles pistes de travail, le tout faisant du
« Tengu-ryu » une voie vivante et sans cesse perfectionnée, jamais
routinière, s’enrichissant de stage en stage. Le principe en reste
toujours le même : les techniques classiques du Karaté, telles celles du
Shotokan pratiquées par la plupart des stagiaires, ne sont utilisées que
comme des outils d’approche et de perfectionnement de toute une
philosophie de l’action en réponse à l’agression toujours possible, un
type de problématique et de comportement qui reste au centre de ce qui est
fait au niveau de la gestuelle (« Donnez un sens à votre technique »,
souligne à chaque fois le Sensei).
Ceux qui purent en être, ces 14 et 15 mai sont une fois de plus
repartis de Strasbourg avec un bagage plus lourd ! Pour le reste, que dire
d’autre à ceux et celles qui ne purent en être cette fois ? Que ce fut
aussi l’occasion de marquer le, déjà, 10e anniversaire de la nomination de
Sensei Habersetzer par Shihan Ogura au Japon en avril 2006 au titre de
Soke (maître-fondateur) du Tengu-ryu, avec également celui de Hanshi, 9e
dan… Ce qui n’est pas rien. C’est même exceptionnel. Même si c’est aussi
un rappel au temps qui passe…
Et que ce 52e stage de printemps a par ailleurs, comme il avait été
annoncé lors du dernier passage de grades annuel du 19 février (voir sur
ce site), vu la présentation finale du travail de recherche de
Moreno SASSI (JKK Lugano) sur « Tengu-ryu, la connection sociale entre
passé et futur…Pourquoi et comment », illustré avec l’aide de Mario et
d’Alain, du Dojo de Lugano (Suisse). Travail validé par Soke Habersetzer
qui a permis à Moreno l’accès au titre de Tashi-ho (5e Dan Tengu) en
présence de ses pairs, qui l’ont chaleureusement félicité pour sa
prestation et la manifestation de son engagement dans le Ryu.
Avec
les temps qui courent et les difficultés de chacun, ils furent encore plus
de 70 à avoir rejoint de France, Belgique, Allemagne, Suisse (dont une
soixantaine de Yudanshas, du 1er au 7e Dan-Tengu © !). Pour une dose de
rappel technique mais aussi d’ambiance, de convivialité, de goût de
l’effort sur une voie passionnante, qui sont la marque de la « famille
Tengu ». Régulièrement réunie autour du choix assumé d’un art martial
école de vie et de survie. Le prochain stage (celui d’hiver, le
Kan-geiko traditionnel) est annoncé les 24 et 25 novembre prochain.
Rappels importants cependant : une dizaine de places seulement sont
accessibles à chaque stage de Strasbourg aux non-membres de l’association
CRB-IT, et jamais d’enfants (une règle depuis des années pour ce type de
rencontres : sinon, on ne pourrait faire tenir tout le monde dans le dojo
d’Eschau !). Et les réservations d’hôtels pourraient poser problème en ce
week-end d’ouverture du Marché de Noël si touristique de Strasbourg…
Quelques réflexions du Soke à propos de ce séminaire….
Comment ne pas penser lors de la clôture de ce 52e stage de printemps de
Strasbourg, à tant et tant d’autres stages que je menais autrefois de
front hors d’Alsace, et où je me suis investi corps et âme en tant
d’endroits du monde depuis 1964 (!!), et souvent à plusieurs reprises au
même endroit pendant… un demi-siècle, avec l’intention et l’espoir de
pouvoir y assurer un suivi constructeur. En ces temps où un « Dan » était
encore un « Dan », où je n’ai jamais voulu transiger sur sa valeur, quitte
à me couper du jour au lendemain avec ceux-là mêmes qui m’avaient porté
aux nues sans que je n’en aie jamais demandé autant. C’était mal me
connaître, déjà… Tant de stages, et souvent dans des conditions
matérielles peu évidentes : Maroc, Algérie, Norvège, Suisse, Italie,
Belgique, Allemagne, Israël, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Russie, Ukraine,
Canada, Nouvelle-Calédonie, et à travers tant de provinces françaises.
D’où je revins à chaque fois avec force messages d’engagements et
d’amitiés… (qui ont duré le temps que l’on avait besoin de moi). Et je
dois en oublier. Combien ? Impossible à compter. Une vie (aussi) en
stages… Peu importe d’ailleurs. Je ne pourrais plus jamais en parler qu’en
un langage que les plus jeunes ne comprendraient même plus. Le monde a
tourné, le monde a changé, beaucoup de valeurs qui faisaient partie des
fondamentaux de ma génération ont été inversées. Le Budo ne peut plus être
ce qu’il fut. Pas même au Japon. Il s’étouffe lui-même dans son inertie.
Et quel intérêt peuvent encore avoir quelques histoires d’anciens
combattants ? Alors, je ne veux plus me souvenir que de tous ces
visages qui sont encore revenus à Strasbourg, depuis tant d’années, malgré
des difficultés matérielles croissantes, étudier mon « Tengu-ryu
Karatedo » lors de ce stage. Je veux oublier ces milliers d’autres qui
m’avaient salué avec un enthousiasme volatile et pas mal de bruit inutile
lors de tous ces autres stages à travers le monde, et qui ont ensuite
souvent construit leurs vies avec ce qu’ils y avaient appris (et peu
importe les anesthésies opportunes de beaucoup de ces cadres bien
installés depuis dans leurs systèmes et que j’avais passionnément
formés en ces temps pionniers). Oui, j’ai pensé avec émotion, en
regardant se disperser ma « famille Tengu » à l’issue de ce séminaire
traditionnel, à l’honneur, à la droiture, à la noblesse et la fidélité qui
sont les vertus des « chevaliers authentiques » des arts martiaux. Et pas
seulement au temps du Japon des Samouraïs… J’ai pu les rencontrer une
nouvelle fois au contact des « miens », ici, au cours de ce week-end !
Alors, respect à vous, mes amis, pour m’avoir encore fait confiance sur la
route que nous nous sommes choisie il y a longtemps. D’être encore, pour
nombre d’entre vous, venus de si loin. Je souhaite qu’il nous reste à
tous et à toutes encore assez de sable dans le sablier du temps pour y
cheminer encore demain ! Do-raku ! Je mesure ma chance de pouvoir encore
vivre tant de choses en votre compagnie dans ce monde où plus rien n’est
gravé dans la pierre et où les amarres traditionnelles les plus solides
rompent les unes après les autres. Bon été, et à bientôt, à notre Stage
d’Hiver de novembre. |
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