Ces choses de la Voie ...

Nous reproduisons ci-dessous les 4 thèmes de réflexion publiés par Roland HABERSETZER dans la revue “Ceinture Noire” dans ses premiers numéros parus en 1999. A lire et à relire par tout pratiquant d’un Budo classique comme par tout pratiquant de “la Voie Tengu” (Tengu-no-michi) telle que définie et enseignée par l’auteur dans son approche “Main vide pour un tranchant guerrier”.

 

... Yudansha, pour soi et pour les autres

Vouloir SAVOIR, pour pouvoir FAIRE!

Budo ... rien que du Budo ...

"Forger" ou "éduquer" le mental ?

 

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1) ... Yudansha , pour soi et pour les autres

 

Il y a déjà très longtemps de cela, je me trouvais en compagnie de Sensei Shinpo Matayoshi, 10ème Dan de Ko-Budo d’Okinawa (1922-1997), sur les hauteurs du Mont Ste Odile, au soir d’un stage que je l’avais prié de venir diriger en mon Dojo de Strasbourg. Il s’agissait de l’un de ses tous premiers déplacements en Europe, et nous buvions ses paroles en même temps que nous découvrions ses techniques d’une rare maîtrise. Je le vois encore, penché sur le parapet, son regard errant sur la plaine d’Alsace qui s’étendait à nos pieds, lorsque je lui demandais comment on pouvait définir le Budo. Il s’est rapidement tourné vers moi pour répondre en souriant: “En temps de guerre il faut pratiquer les arts du Budo pour essayer de survivre. En temps de paix, pour essayer de vivre plus longtemps”. Et de hocher la tête d’un air entendu ... Cette phrase, je l’ai citée à plusieurs reprises dans des ouvrages que j’ai publié ces années là, et elle reste parfaitement présente à mon esprit. A vrai dire, son sens m’était alors apparu si évident que je fus frappé de la pertinence de la réponse du Sensei. Ce n’est qu’un vingtaine d’années plus tard cependant que je commençais à lui trouver une interprétation nouvelle, à laquelle je ne pouvais avoir pensé plus tôt simplement parce que, lorsque je l’avais entendue, avec ma quinzaine d’années seulement de pratique du Karatédo, j’étais encore un trop jeune emprunteur de la “Voie”  ... C’est que, depuis, mes expériences sur le chemin de la vie comme sur celui de la voie des arts martiaux, dans et en dehors des Dojo, se sont conjuguées pour donner aux mots de Sensei Matayoshi un contour à la fois plus vaste et plus précis, infiniment plus riche que celui auquel j’avais tout naturellement pensé d’abord. Certes, il y a toujours “survivre” (puisque la confrontation à l’agression reste toujours possible : c’est l’optique du Budo héritier d’une vocation réellement martiale) ... et aussi “vivre plus longtemps” ( le maintien de la santé étant au centre de la préoccupation de la pratique sous forme du sport martial) ... mais il y a aussi, je crois l’avoir découvert depuis, un sens de “vivre mieux” (parce que “autrement”). C’est sur cette option d’un pratique Budo que je voudrais attirer votre attention.

La première raison pour laquelle on pratique un art martial est que cette pratique apporte assez rapidement un certain nombre de satisfactions au premier degré : confiance en soi, développement et maîtrise du corps, sentiment de plus grande sécurité, mobilisation bénéfique des facultés psychiques, bienfaits quantifiables au niveau de la santé, victoires sportives, grades, ... Elles sont parfaitement légitimes et, même si elles poussent parfois aux exagérations dangereuses par les comportements irréfléchis auxquels elles peuvent entraîner, l’enjeu global mérite bien l’effort. La pratique d’un art martial, à condition qu’elle s’inscrive dans la durée, apprend à “mieux vivre”, à condition toutefois de résister au piège du savoir-paraître (culte du “moi”) et de découvrir avec patience le savoir-être (vivre le “soi”). Vaste programme, bien sûr: j’ai parlé de patience et de durée ... ingrédients de base. Rappeler que tout art martial digne de ce nom (affichant le suffixe “Do” ou ce qui en évoque le sens) met au centre de sa raison d’être, dans une société qui n’est plus guerrière, l’évolution intérieure du pratiquant, l’accès à une autre forme de “connaissance”, et ce par la magie d’une sorte d’alchimie interne, c’est enfoncer une porte ouverte depuis longtemps, et un propos déjà largement débattu. Ce n’est pas ce à quoi je veux en venir. Je veux simplement dire qu’en acceptant ne serait-ce que l’ idée d’une telle possibilité on touche à une nouvelle dimension de l’art martial, incroyablement vaste, généreuse et fort intéressante dans le cadre d’une préoccupation de nature sociale. Car cette évolution intérieure n’est vraiment intéressante (sinon elle fait à nouveau stagner dans une forme d’amour du “moi”...) que si elle déteint... Si “vivre (vraiment) mieux” avec soi-même, c’est aussi “vivre mieux” avec les autres. L’art martial débouche alors sur une conséquence inattendue : il devient une Voie d’Humanisme ... Parce que comprendre ses possibilités comme ses limites, ses côtés positifs comme ses recoins obscurs, et les accepter, savoir aller sans complaisance jusqu’au bout de ses peurs et de ses pulsions en ne se trouvant d’excuse jamais, en restant modeste toujours, c’est dans le même temps découvrir en soi les éléments de la compréhension des autres, donc d’un rapprochement. Avancer fermement sur la “Voie”, ne pas se contenter de toutes ces apparences qu’elle peut un court instant donner, c’est apprendre les réalités de la vie, et en particulier distinguer ce qui est réellement important de ce qui ne vaut pas la peine de risquer une confrontation stupide et incontrôlable. Et progresser dans la maîtrise des choses de la vie, c’est aussi avancer dans la compréhension profonde des choses de la “Voie” (ce qu’il y a réellement derrière les techniques “martiales” et leurs modes d’emploi apparents). Le Bu-Do est, tout simplement, une possible école de la vie, avec le refus final d’une violence pourtant contenue dans les techniques d’un Bu-Jutsu qui enseigne comment donner la mort. Voie de la guerre, Voie de la paix ... vieille contradiction contenue dans tous les arts martiaux.

La violence et la provocation sont des façons de suer la peur, qui vient elle-même de l’ignorance que l’on peut avoir d’un environnement que l’on perçoit hostile et des capacités dont on peut disposer pour lui faire face. La découverte, dans l’effort et le danger, de ce que l’on est et de ce que l’on peut vraiment, en toute lucidité, fait tomber les barrières entre le dedans et le dehors : rencontre, dialogue, tolérance (dans le respect mutuel ) deviennent alors possibles. Nous sommes toujours au cœur du propos, même si nous sommes ici dans la mouvance d’un art martial idéal : faut-il rappeler que le sens d’origine de l’idéogramme “Bu” (ou “Wu”, en lecture chinoise, dans “Wu-Shu”) a le sens de bravoure, non de guerre, et qu’il peut être traduit par “arrêter la lance”, ce qui évoque une action de défense, non d’agression ? Une orientation de la technique, pourtant “de combat”, qui fut systématiquement rappelée par les maîtres d’antan, dans toutes les disciplines, dans tous leurs pays d’origine, ces maîtres-références qui parlaient de construction intérieure de l’homme, de découverte de l’harmonie universelle, de la paix, du sabre qui laisse la vie bien supérieur à la lame qui la tranche, qui rappellent qu’aucun combat n’est possible entre deux maîtres de l’art puisque, par définition, ils ont perdu toute agressivité tant qu’aucun enjeu réellement vital ne vient perturber cet équilibre. Mais comment l’expliquer encore dans un monde de plus en plus malade de sa violence et de ses oppositions, ivre de compétitivité érigée en valeur universelle par les médias complaisantes ? Comment éviter que la Voie martiale ne perde définitivement une orientation si riche pourtant placée là par ses initiateurs ? Et qui nous aiderait encore demain ?

Vivre le Budo, toute sa vie, c’est “mieux vivre” avec soi-même, voir les choses autrement, découvrir les autres. Un vrai budoka est surtout efficace parce qu’il a appris à éviter la confrontation, parce qu’il a appris que prouver à l’autre, juste pour prouver , en dehors de tout besoin vital de le faire, est une concession à l’ego qui l’éloigne du vrai but. C’est cette certitude que toute “ceinture noire” devrait défendre, appliquer, démontrer. C’est ce message éducatif, bien au-delà des petites querelles d’écoles et de styles, des surenchères de Bunkai ou d’enseignements soigneusement élitistes, de tous ces sempiternels discours destinés à séparer et qui ne font qu’alimenter encore un peu plus les suffisances des uns et des autres sur fond de clientélisme, qui mérite d’être expliqué sans cesse dans les Dojo, et aussi de l’être hors des Dojo, jusqu’au cœur de cette société du 21ème siècle pour laquelle se précisent bien des dangers, et qui est parfaitement consciente d’ailleurs d’échéances douloureuses dont l’appréhension la rend déjà frileuse et fragile. Je sais, pour avoir de par mon métier d’enseignant le privilège, et parfois la charge, de dialoguer chaque jour avec des adolescents que, quelque part, c’est là ce qu’ils attendent de leurs aînés. Que ces derniers les rassurent en leur expliquant ce qui devrait demain encore rester le cheminement normal dans une vie, balisé par des valeurs toujours actuelles, comme le sens de l’effort, du respect des autres, de la richesse d’un humus culturel qu’il faut défendre, de l’engagement, du courage et de la mesure, et aussi de l’importance de la vigilance et de la transmission de ces valeurs aux générations qui vont les suivre. Qu’un arbre a d’abord des racines avant que d’avoir des feuilles. Et qu’il faut du temps pour faire un homme, et si peu pour le détruire. Je sais aussi, pour avoir enseigné à des milliers de budokas au cours de mes stages depuis 35 ans, que la très grande majorité d’entre eux ne demande pas mieux que d’être convaincue, mais par l’exemple venu d’en haut (c’est à dire donné par ceux qui se disent devant, sur cette fameuse “Voie” trop souvent galvaudée) que le potentiel de destruction que l’on peut acquérir par la pratique d’un art martial doit et peut rester sous contrôle, dans le respect éthique de “l’esprit du geste”. Et que beaucoup d’entre eux ont depuis, ici et là, fort heureusement donné un vrai sens à cette Ceinture Noire qu’ils portent, assumant pour eux-mêmes et pour ceux qu’ils côtoient tous les jours, dans et hors du Dojo, la responsabilité d’authentiques Yudansha, tel que le veut cette Tradition à laquelle ils font honneur.

Et vous, où en êtes-vous ? Au fait, quel “art” martial pratiquez vous ?

 

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2) Vouloir SAVOIR, pour pouvoir FAIRE!

 

On dit décidément tant de choses à propos des arts martiaux. Des évidences, des faits tangibles comme des affirmations invérifiables, des mythes et des légendes, des discours provocateurs ou iconoclastes, des propos rassurants ou encore savamment flous. Cela peut être par calcul ou par suite d’une réelle ignorance. On entretient des apparences, on jongle avec des concepts, on multiplie à loisir des pistes où il est facile de se perdre, on ratisse large sur fond de rêve, de peur d’une insécurité montante ou de besoin de valorisation de l’ego. Autant de sujets porteurs en cette fin de siècle où les gens s’agitent décidément beaucoup, détruisent pas mal et ne se donnent plus la peine de construire de (vrais) projets visant au-delà du surlendemain.

L’art martial est levier éducatif.

J’ai toujours pensé que “les” hommes sont bien moins intéressants dans un comportement qui ne peut durer que le temps d’une vie (ce qui est parfois fort heureux) que “l’Homme” dans ce qu’il a de pouvoir évolutif à l’échelle de l’univers. Et donc que tout ce qui pouvait lui permettre de se libérer de son animalité pour se “civiliser” toujours davantage méritait l’investissement de réels efforts, à quantité de niveaux . C’est sous cet angle que j’ai toujours été intimement convaincu que la pratique de plus en plus large des arts martiaux, avec tout ce que cette pratique peut générer au niveau prise de conscience et changements de comportements durables, donc l’impact qu’elle pouvait avoir sur la société à travers celui ou celle qui s’en prétend adepte, était l’un des outils qui pouvait l’aider à aller dans ce sens. Je persiste toujours à croire, si longtemps après le début de ma pratique, et malgré tant de déceptions (toujours dues aux hommes, non à ce qu’ils prétendaient incarner), que l’art martial ne méritait d’intérêt, demain encore, qu’en tant que fantastique levier éducatif. Encore faut-il savoir par quel bout le prendre et comment s’en servir. Encore faut-il, surtout, vouloir s’en servir pour, réellement, pouvoir le faire. J’ai eu souvent l’occasion de m’expliquer sur la manière dont peut fonctionner ce processus d’éducation du pratiquant d’abord puis, à travers lui et l’exemple qu’il donne, de ceux qui le voient vivre. J’aimerais donc simplement dans ce propos commencer par souligner l’importance fondamentale du “vouloir éduquer”. La formule est connue et tient du simple bon sens : il y a d’abord VOULOIR (ce qui entraîne le “vouloir SAVOIR”, pour se donner les moyens d’un comportement actif) pour POUVOIR (pouvoir FAIRE, agir, avec une réelle volonté d’aboutir). Donc “SAVOIR pour FAIRE” ... La moindre des choses que l’on puisse attendre d’un Sensei (celui qui “professe”), à plus forte raison d’un “maître” d’art martial, est qu’il se retourne sur tous ces élèves qui calquent si souvent leur comportement au quotidien et leur réflexion sur le plus petit changement de leur humeur. Et que, conscient de tant de responsabilité (rien à voir ici avec l’enseignement correct d’une technique, ce qui est un programme minimum !), il oublie un peu sa personne derrière l’enjeu collectif. C’est vrai, il y a toujours eu des maîtres “fous de leur ego” et des “imbéciles heureux” (“maîtres “ou non). Il a toujours fallu de tout pour faire un monde et cela, bien sûr, continuera : aucune inquiétude à avoir là-dessus ... Soit. On pourra tout de même se consoler en observant qu’il y a, aussi, tant de gens dans le monde des arts martiaux (comme ailleurs), obscurs parce qu’ils n’ont jamais de quoi être vedettes nulle part, parce que l’absence de titres et de grades les laisse dans un anonymat qui ne les gêne (heureusement ) en rien dans leur volonté d’action, et qui font fort efficacement un travail d’éducation remarquable dans le cadre de leurs Dojo. Des responsables dont dépend l’avenir de quantité de jeunes, donc le mieux vivre, demain, de tous. Je ne dirai jamais assez fort, parce que je souhaite être entendu, dans l’intérêt de ces arts martiaux que nous aimons, que le plus grand maître d’art martial du monde, le plus grand des champions qui soit, n’est d’aucun intérêt si sa dimension d’homme ou de femme au quotidien le laisse petit. C’est dans leurs actes et pas seulement dans leurs discours que ces gens là devraient être des phares pour ceux qu’ils ont, tels des phalènes, attirés dans leur lumière. Je pense qu’il n’est pas inutile de rappeler à chaque instant à tous les pratiquants d’arts martiaux dits “de haut niveau”, et bien sûr aux enseignants, que c’est de leurs Dojo que doivent venir les exemples éducatifs dont notre société, un peu déboussolée par les absences de repères, a tant besoin.

On enseigne ce que l’on est ...

Assez de la consécration médiatique gonflant les ego au nom d’une Tradition qui a parfois bon dos. Assez de condescendance et d’irrespect affichés des uns pour les autres, au nom d’une prétendue Voie qui les placerait au dessus du lot. Assez de discours habiles mais obscurs entretenant la hiérarchisation des individus au profit de ceux qui se disent initiés des mystères d’un système qui, fort opportunément (pour eux !), ne saurait être enseigné. L’idéal du rat si content dans son fromage ne peut être celui d’un authentique Budoka, ni aujourd’hui ni demain, comme il ne l’a sûrement jamais été hier. S’il sait, il doit amener les autres à savoir. S’il ne sait pas, il doit vouloir savoir, pour partager. Ou alors se taire. Que valent ceux qui prétendent savoir, dans leur superbe isolement, qui pontifient du haut de leur “sagesse” égoïste et font semblant de laisser tomber ça et là quelques miettes de leur “savoir”, pour, disent-ils, permettre au commun des mortels l’accès à “l’éveil”. Mais à lui de se débrouiller ensuite par lui-même pour tenter d’y voir vraiment clair ... Ceux qui tentent d’enseigner sincèrement l’art martial, contenant comme contenu, se battant avec les difficultés qu’il y a à le faire avec force, sont bien plus utiles à tous même s’ils ont, pour les premiers, l’air de s’agiter ridiculement dans un bocal.

Pour pouvoir enseigner, vouloir transmettre, il faut en avoir envie et, bien entendu, avoir de quoi pouvoir y prétendre. Car tout peut s’enseigner, l’art martial aussi. C’est la leçon même du principe de la transmission de maître à disciple. Mais cela nécessite de l’engagement, beaucoup d’engagement (et d’amour pour autrui), et cela peut certes compliquer la vie. Au fond, le choix fondamental, qui décide d’un comportement dans le monde Budo, et d’une attitude envers le monde extérieur au “soi”, est celui qui consiste à prendre ou non le risque de se compliquer la vie en tentant de comprendre pour pouvoir expliquer. Cette prise de risque, et ce souci, qui durent toute sa vie, sont la noblesse du vrai Sensei. Et c’est à cause de ce type de démarche que celui-ci mérite le respect. Je crois aussi que, en toutes choses, on enseigne d’abord ce que l’on est, ensuite seulement ce que l’on sait ... C’est aussi un peu cela, “l’esprit de la technique”, dans les arts martiaux. Avec l’âge, qui est en principe une référence de la maîtrise authentique, les hauts gradés de la Voie martiale, toutes disciplines confondues, devraient y réfléchir davantage.

Celui qui, de par sa présence même dans un Dojo, est prêt à “être enseigné” mérite cet engagement de son Sensei. Ceci est vrai sur le plan purement “martial” , mais sans doute plus encore sur le plan humain. C’est là le vrai message d’une longue Tradition. C’est là le véritable sens que doit garder “l’art” martial et l’une de ses différences avec le “sport d’origine martiale”. Une autre option n’a d’autre effet que la ruine du cœur de l’homme et un certain nombre de désastres collatéraux pour la société ...

Entre SAVOIR (pour soi) et FAIRE (pour soi comme pour les autres) le vrai Budoka n’a pas à choisir: il doit apprendre pour agir ... Il y a dans le concept même du “Bu” (de Bu-Do), dont l’idéogramme d’origine se traduit par “arrêter la lance” (dans le sens de “s’opposer à la violence”) et qu’il revendique par définition, une notion d’engagement et de courage, de refus de ce qui pourrait paraître inéluctable et qui doit le rendre prêt à joindre le geste à la parole. “Bu” définit, au fond, le cadre d’une attitude d’Homme qui peut aider par son exemple les hommes à emprunter une Voie qui les aidera à rester ... des hommes ! C’est cette attitude qu’un vrai Budoka doit enseigner en premier. C’est même l’essentiel de ce qu’il peut enseigner ... le reste n’est que support. Et c’est bien entendu beaucoup plus difficile que de discuter d’arguties techniques ou de se complaire dans le flou des théories où il est toujours possible de prouver tout et son contraire, dans toutes ces choses qui font oublier que le Budo ne mérite plus de survivre dans nos nouvelles sociétés que s’il est un moyen de contribuer à les amener à un mieux-être. Non, il n’y a jamais eu aucune hésitation dans l’appréciation que je porte sur la réelle valeur d’un homme, fut-il bardé de tous les titres imaginables: “savoir” (avoir la Connaissance, et l’affirmer, en plus) sans avoir envie, de toutes ses forces, de” faire”, est une attitude tout à fait indigne. A plus forte raison si cet homme se prétend Budoka : une telle attitude laisserait sa vie d’homme inutile, inefficace, et, lorsqu’il s’agit de celui à qui il fut reconnu le niveau de maîtrise dans l’art martial, sans rapport avec les sentences qu’il égrenait de son vivant. Cela m’a toujours paru d’une telle évidence ... L’est-elle encore pour tous aujourd’hui?

 

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3) Budo... rien que du Budo...

Les arts martiaux d’aujourd’hui, pourtant nourris d’un riche héritage de traditions guerrières largement éprouvées dans le temps, ne sont plus perçus que superficiellement par la majorité des pratiquants. C’est normal: ces derniers sont de plus en plus jeunes et on peut comprendre qu’ils ne soient pas portés d’emblée à ressentir la perspective historique de ce qu’ils pratiquent, d’autant qu’on la leur explique souvent très mal, quand on en prend seulement la peine. C’est l’une des origines du malaise et du désarroi de nombre d’entre eux qui, une fois devenus adultes, finissent par abandonner, déçus par un discours loin du contenant qui leur a été réellement servi.
Il y a aussi autre chose. Il est dans l’air du temps, avec le discours d’une société qui pense qu’une attitude de désarmement unilatéral face à la violence est le meilleur gage de l’état avancé de son niveau de civilisation, d’autoriser la pratique du “sport d’origine martial” mais de garder un regard plus que soupçonneux sur la même pratique dès lors que celle-ci tente d’intégrer le véritable concept martial dans un contexte de besoin réel. J’en sais quelque chose, pour avoir essayé il y a quelque temps déjà, et dans un autre mensuel qui se veut pourtant consacré aux “arts martiaux”, de faire prendre conscience de l’absolue nécessité qu’il y a, en Karaté, de ne progresser sur la Voie de la “main vide” qu’en adaptant certains entraînements et techniques pour que ne s’en émousse pas le “tranchant guerrier”, sous peine de cruelles désillusions face à certaines réalités hors de ces espaces “protégés” que sont nos dojo. Soit. Peut-être le message passera-t-il mieux si je m’appuie sur la position de Donn Draeger (1926-1985), qui fut un éminent spécialiste des arts martiaux de l’Extrême-Orient et dont les publications restent une référence incontournable pour tout pratiquant sérieux: il disait qu’il existe quantité de techniques de combat à usage “civil” (dojo) mais que tant qu’elles ne sont pas perçues et développées en tant que véritable système complet, et jusque dans le moindre de ses détails, utilisable à la guerre, on ne peut parler d’art martial (champ de bataille)... Je reste persuadé aussi que sans la notion d’arme (ou de main “armée”, au sens propre ou figuré) on ne peut accéder à la compréhension authentique des choses du combat pour la vie, donc des choses de la Voie, qui constituent pourtant, en principe, le corps de l’enseignement dispensé dans une pratique de dojo. Si cette notion est absente, on passe à côté du coeur du Budo (qui reste à la base un cadre technique de Bu-jutsu enrichi de valeurs éducatives, individuelles et collectives). Mais cela peut être un choix personnel, bien entendu tout à fait respectable. Simplement, nous ne pratiquons alors plus dans la même “mouvance martiale”...
Les arts du Budo, lorsque l’on n’en exclut par contre aucune direction, sont d’une richesse infinie qui se laisse découvrir au fur et à mesure d’une progression basée sur la raison, l’effort, et l’ouverture d’esprit. Il suffit en effet de se donner du temps et de rester ouvert à toutes les réflexions qu’une pratique réaliste finit toujours pas susciter, pour essayer de comprendre ce qui se profile en arrière de cette pratique, d’expérimenter sans idée préconçue, d’inclure dans sa pratique comme dans son comportement quotidien (le Budo ne doit pas s’arrêter à la porte de sortie du dojo) tous ces principes techniques et concepts pour une utilisation intelligente du corps comme de l’esprit, tous ces procédés tactiques et ces sensations qui, seuls, peuvent permettre de pénétrer réellement dans le domaine où l’on prétend se mouvoir. C’est que le Budo, même pratiqué dans sa forme la plus classique, recèle tous les ingrédients capables de rendre les techniques pratiquées conventionnellement tout à fait conformes à ce qu’elles devraient réellement être dans un contexte, toujours possible, de combat réel, avec ce stress difficile à reproduire au dojo parce qu’il ne peut résulter que d’un enjeu extrême (survie). Je voudrais illustrer ce propos par deux exemples .

Voir et regarder

Tout le monde sait, ou a peut-être déjà expérimenté, qu’un véritable stress provoque chez l’individu normal (pas spécialement conditionné pour une action téméraire) un certain nombre de réactions psycho-physiologique se caractérisant par une réduction sensible des performances physiques et intellectuelles dont on est habituellement capable (montée d’adrénaline, d’où dysfonctionnements moteurs, faiblesse musculaire, troubles visuels, atteinte de l’ensemble du comportement, soit une crispation physique et psychique inhibante). Ces défaillances inattendues sont d’autant plus dangereuses que l’on se croit solidement entraîné. Ainsi la fascination d’un danger extrême provoque ce que l’on appelle une “vision tunnel” : hypnotisé, le regard se bloque sur la source du danger précis, oubliant de voir ... Or s’il est essentiel d’identifier rapidement et correctement le danger dans l’urgence (sa réalité, sa direction, son intensité), donc de focaliser sur l’attaque à venir ou déjà en cours d’exécution, il est non moins indispensable de se libérer aussi vite que possible de cette attache visuelle, paralysante, pour pouvoir prendre en compte, dans la foulée, d’autres dangers potentiels (il peut y avoir un second ou un troisième adversaire survenant d’un direction inattendue, ou tout simplement une voiture qui vient vous percuter alors que, agressé dans la rue, vous êtes resté inutilement bloqué sur une situation qui est déjà résolue à votre avantage ...). C’est pourquoi une véritable gestion du danger implique la réouverture rapide du champ de vision qui donnera la possibilité de balayer toute la zone de danger dans une “vision périphérique” ou “globale”: on ne regarde plus, mais on voit ... Je sais : cette approche existe dans certains milieux spécialisés confrontés quotidiennement à la violence. Je veux simplement dire qu’elle existe aussi et depuis toujours dans le Budo. Quantité de concepts y réfèrent. Par exemple Miru-no-kokoro ... (cet “esprit du regard” en combat, qui réfère à la vision globale de l’adversaire mais aussi de l’environnement), Enzan-no-metsuke ...(ce “regard de montagne lointaine” qui, sans regarder vraiment, visualise la totalité de la forme du danger), Happo-moku ...(cette manière de porter le regard dans les “8 directions” sans fixer un point en particulier afin d’être en mesure d’enregistrer instantanément la moindre modification de l’environnement), etc. Et faut-il aussi rappeler que dans un Kata de Karaté l’esprit doit être “aux 4 coins” ? Au fait ... qui y songe vraiment lors de la présentation d’un Kata, “martialement” figé dans un “Yoi” plus destiné à impressionner dans la seule direction d’un public ou d’un jury ?

L’attitude de “suivi mental”

Autre exemple. Lorsqu’il est absolument nécessaire d’engager un combat (il est entendu que pour un adepte du Budo cette nécessité ne peut résulter que d’un impérieux besoin de réponse à une agression inévitable), il s’agit de gérer la situation de manière efficace (sortir du “temps” du danger) mais aussi responsable (contrôle, pendant et après, pour rester dans les limites du strict nécessaire). Il est inutile de s’acharner une fois la décision obtenue, comme il est injustifié (et d’ailleurs puni par la loi, ce qui devrait faire réfléchir plus d’un) de disproportionner la défense à l’attaque. Il est par contre extrêmement dangereux de se détourner trop rapidement d’une situation que l’on croit maîtrisée avec une technique en laquelle on a un peu trop légèrement fait confiance. Alors comment faire, pour gérer l’environnement , en plus ? Une des réponses du Budo est “Kufu”. Il s’agit de ce stade de préparation mentale du combattant consistant en une simple attention aiguë, sans but, mais le rendant capable de ressentir instantanément le moindre changement dans l’attitude physique ou mentale de l’adversaire. Il s’agit d’un stade de concentration “sans objet”, mais est plus proche de l’action que le stade connu sous “Zanshin” (simple éveil, attention neutre). Dans la pratique, toute action réussie dans un schéma de défense-riposte devrait se conclure non par le classique et rapide retour en garde ou en Yoi (convention de dojo) mais par le maintien d’une “position de contact et de contrôle” tout contre l’adversaire qui inclut une attitude de “suivi mental” rendant capable d’enregistrer à la fois la plus petite modification dans le comportement de ce dernier et tout changement survenant dans son propre périmètre de sécurité. C’est là un des aspects, très concret, de cet “entraînement du mental” que l’on évoque si souvent mais que l’on expérimente si peu par habitude d’ exercices devenus trop conventionnels . Et c’est Budo !

Point n’est donc besoin d’aller chercher ailleurs des modes d’emplois pour des techniques et des concepts dont nous pourrions avoir besoin, hélas, lors d’une confrontation réelle. Par exemple dans toutes ces techniques de combat apparues ces dernières années un peu partout dans le monde et qui, soit dit en passant, se servent largement dans les techniques martiales classiques pour pouvoir se décliner sur un ensemble de registres qui ne sont, fondamentalement et d’origine, pas les leurs. Il y a tout dans les arts du Budo pour rendre ces derniers capables de rivaliser avec les meilleurs théoriciens et pratiquants du combat rapproché, qu’il soit d’ailleurs sans ou avec des armes. C’est la direction dans laquelle je travaille depuis un certain nombre d’années dans le cadre de mon “Institut Tengu”, une extrapolation toute naturelle du laboratoire de recherche qu’a toujours été mon “Centre de Recherche Budo”. On y apprend patiemment les leçons d’un Budo qui peut, réellement, sauver des vies.

 

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4) “Forger” ou “éduquer” le mental ?

Chaque pratiquant d’art martial japonais (Budo) connaît (ou devrait connaître ...) les fabuleuses histoires de ces Samuraï surnommés les “Saints du sabre” (Kenshi) qui, dans leur quête passionnée d’une efficacité toujours supérieure dans la technique du combat au sabre (Kenjutsu), avaient pris à l’un ou l’autre moment de leur vie le chemin solitaire de Musha-Shugyo. Cet “entraînement sévère” du guerrier, pratiqué dans l’errance, de Dojo en Dojo, de Sensei en Sensei, les menait parfois jusqu’à la pratique et la recherche en solitaire, dans une retraite ascétique dans quelque repli secret d’une montagne, à l’abri des contingences de la vie. Là, au bout de semaines ou de mois d’entraînements forcenés, leur arrivait parfois l’éclair d’une nouvelle compréhension, intuitive, de leur discipline, le plus souvent sous la forme d’une intervention divine (Kami) providentielle, sous forme d’une vision, ou de conseils émanant de génies (Tengu) particulièrement bienveillants à leur égard. C’est du moins ainsi que ce type d’expérience est rapporté par la Tradition. Et de citer Iizasa Choisai Ienao (1387-1488), fondateur de Tenshin Shoden Katori Shinto-ryu, Tsukahara Bokuden (1490-1571), qui fut surnommé “le génie du Kanto”, Miyamoto Musashi (1584-1645), l’auteur du célèbre “Gorin-no-sho”, ou encore Takenouchi Toichiro, qui jeta au 16ème siècle les bases de son style de combat en raccourcissant son Boken (sabre de bois) après avoir eu une vision au cours de son ascèse, pour ne reprendre ici que quelques unes des figures de proue de l’histoire des Budo. De telles expériences, qui se situent aux limites du mystique, ont également inspiré quantité de Budokas plus proches de nous, dans de nombreuses disciplines martiales, parfois connus par l’effet de la médiatisation (ainsi Gogen Yamaguchi, du Goju-ryu Karaté), ou, le plus souvent, restés anonymes, notamment parmi les membres de sectes religieuses comme le Shugendo qui choisissent encore aujourd’hui de suivre la trace des ermites montagnards (Yamabushi) d’antan (la célèbre “méditation sous la cascade”, Taki-Shugyo, fait partie des types d’épreuves qu’ils s’imposent).

Seishin - Tanren : forger le mental

Ce type de comportement vise à aller au fond de soi-même, en poussant les possibilités du corps jusqu’aux limites de l’humainement supportable, afin de provoquer sous l’effort intense comme un effet de déstructuration du mental “ordinaire”. L’ouverture ainsi provoquée d’une sorte de 6ème sens donne à l’acte (qu’il soit d’ailleurs guerrier ou non) une dimension plus “juste”, plus authentique, donc plus efficace. C’est le concept, déjà fort ancien dans le monde du Budo, de Seishin-Tanren : il consiste, à travers un type d’entraînement spécifique, à forger le mental, polir l’esprit, comme un forgeron le ferait d’une barre d’acier pour l’amener à l’état de lame de sabre d’une absolue perfection. Dès le début de l’ère Meiji au Japon (1868-1912), le concept est passé dans les Shin-Budo (les “nouveaux arts martiaux”, vécus non plus comme armes destinées au champ de bataille, vocation des anciens Bujutsu, mais comme voies éducatives dans une société qui ne se voulait plus guerrière), qui ont repris le thème des “entraînements spéciaux” (Tokubetsu-Geiko), notamment en Kendo et en Judo. Ainsi Tesshu Yamaoka (1836-1888), fondateur du style de sabre Itto Shoden Muto-ryu, avait mis au point dans son Dojo Shumpukan un entraînement particulièrement terrible, qui a laissé un souvenir impérissable à tous ses disciples : le Seigan-Tachigiri-Geiko, au début duquel l’élève prêtait serment de mener l’entraînement jusqu’à l’extrême, dut-il en mourir. Il consistait en 200 combats en un jour, puis 200 combats par jour sur trois jours consécutifs, enfin 200 combats par jour pendant 7 jours consécutifs ... Ainsi Jigoro Kano (1860-1938), père du Judo du Kodokan, qui faisait systématiquement pratiquer sous des conditions climatiques pénibles, soit en hiver (Kan-Geiko) soit en été (Shochu-Geiko), afin que chacun se trouve confronté aux réalités des limites imposées par un quasi épuisement total.

Le développement de la résistance sous la charge des efforts les plus extrêmes, l’entraînement à la douleur, le durcissement du corps, passent par une préparation mentale spécifique, dont le schéma est connu et largement vérifié. Tous les entraîneurs sportifs le savent. On sait aussi qu’un individu, même sans être spécialement entraîné, simplement animé d’une volonté à toute épreuve elle-même appuyée sur un corps gorgé d’adrénaline, est capable d’actes incroyables en certaines circonstances, à commencer lorsqu’il s’agit du domaine de sa propre survie: même gravement blessé, alors que son corps peut déjà être entré dans un processus de dévitalisation, mais sans qu’il en soit conscient, il reste capable de se battre, insensible à la douleur qui s’irradie dans son corps, restant ainsi terriblement efficace et dangereux jusqu’au moment où il s’écroule définitivement, parce que le cerveau ne peut plus fonctionner. Tous les entraîneurs de forces dites “spéciales”, dans toutes les armées du monde, le savent également. Cette force du mental fut dans l’Histoire des hommes responsable de bon nombre d’actes exceptionnels, au niveau de l’individu comme à celui du groupe. Et tous les maîtres d’arts martiaux ont toujours insisté sur le même point : ce qui fait la différence dans un combat réel n’est pas la subtilité technique mais la puissance du mental qui y est sous-jacente.

Seishin - Kyoiku : éduquer le mental

Certes. Les entraînements de conditionnement mental de type “commando” donnent des résultats incontestablement efficaces dans le registre qui est le leur. Mais attention: ce registre n’est PAS celui du Budo ... Dans l’art martial traditionnel il est question d’un mental qui doit rester à tout instant, fut-ce dans le feu de l’action, capable de contrôler le corps en gardant toutes ses capacités d’appréciation. Il apprend à répondre, non à réagir, par réflexe conditionné. On n’y tolère aucune perte de cette maîtrise de l’esprit sur le corps, aucun dérapage qui résulterait d’une forme de manipulation au niveau du mental et qui entraînerait à tous les excès, dans une parfaite bonne conscience ... L’important en effet y restera toujours le respect de la vie : la technique “définitive”, c’est à dire celle qui a été pensée pour entraîner des conséquences létales (Todome-waza) reste une perspective extrême, la réserve ultime qu’il ne faut jamais reproduire à la légère, même pas à l’entraînement (par exemple, et on le voit souvent, sous forme d’une riposte largement disproportionnée au type d’attaque). Ce n’est pas parce que, bien sûr, l’optique extérieure (ou guerrière) du Budo reste bien de stopper la violence (parce qu’il n’est pas acceptable de la subir sans rien tenter, ce qui ne serait d’ailleurs qu’une manière de différer le problème), qu’il faut se laisser aller à n’importe quelle extrémité, juste pour donner libre cours à un mental déjà programmé, et juste, en plus, pour la valorisation de son petit “moi” (Jishin).

Seul un état de “suivi mental”, tel que j’en expliquais le concept dans ma précédente chronique, protège de tout flottement dangereux dans la défense comme de tout excès condamnable dans la riposte. Seul un mental certes fort dans ses décisions, mais toujours suffisamment souple tant qu’il lui reste des choix d’alternatives, est la garantie d’une bonne (c’est à dire humainement défendable) gestion d’une situation de crise, de bout en bout (qu’il y ait, d’ailleurs, engagement physique ou pas).
Oui, c’est beaucoup plus difficile...

Forger le mental est une étape, importante certes, mais rien qu’une étape. Le but ultime des efforts consentis pour y arriver reste d’éduquer ce mental. Ne se laisser séduire que par le premier niveau d’objectif, qui reste quelque part simplement viscéral, ou animal, c’est entrer dans une spirale extrêmement dangereuse, pour soi-même d’abord. Aussi bien Tesshu Yamaoka que Jigoro Kano furent de grands pédagogues : alors, quels sens faut-il réellement chercher à leur démarche ? Façonner un guerrier est facile. Mais qu’est ce qu’un guerrier sans dimension humaine, prisonnier d’un seul “mental de fer” ? Un robot tueur, une machine à détruire ... Or le vrai Budo, faut-il le rappeler, est un merveilleux outil pour construire, se construire soi-même (Jitsugen) à travers l’acceptation de l’épreuve, et puis construire autour de soi. Le Budo doit donner au pratiquant un mental fort, capable de rayonner dans une communauté dont il est solidaire. Le Budo doit lui donner les moyens de faire ...
Il est vrai aussi qu’il y a eu dans l’histoire des Budo quantité d’ascètes devenus fous dans leur ivresse de puissance mentale, piégés par ces montagnes où ils ont cru trouver une autre vérité. Elle en fait moins état, heureusement. Mais ainsi va l’homme ...

Et ce n’est pas d’aujourd’hui que date la mise en garde : Rabelais, au 16ème siècle, n’avait-t-il pas écrit, en France, que “science sans conscience n’est que ruine de l’âme” ... ?

 

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